Saint-Junior
Elle écarta alors les pans de sa parka pour dévoiler sa nudité. Chairs et replis de chair. Peau brune et dix-sept grains de beauté. Il les avait comptés un jour, quand tous deux étaient plus jeunes, et il espérait qu'il y en avait toujours dix-sept. Les nouveaux grains de beauté le rendaient nerveux, surtout parce que les ciels de la réserve continuaient à briller non loin de la mine d'uranium.
Grace pivota lentement sur elle-même. Roman était à la fois choqué et ravi. La peau brune tranchait sur la neige blanche. Grace était grosse et superbe.
La parka toujours entrouverte, elle fit un pas vers son mari.
"Tu marques la panier et tout ça est à toi, dit-elle.
- Et si je loupe?"
Elle resserra les pans de son manteau autour de son corps.
"Dans ce cas, répondit-elle, tu devras rêver de moi toute la journée."
Il avait souvent rêvé d'elle, rêvé de faire l'amour dans les rivières, au cinéma, dans les lits exposés dans les grands magasins, dans les tentes de pow-wow, mais il n'avait jamais eu l'audace de le faire ailleurs que dans quelques centaines de lits et sur la banquette arrière de douze voitures différentes.
"Hé, fit-il, la gorge soudain sèche, l'estomac soudain noué. On doit être au travail dans un quart d'heure.
- Hé, fit-elle. Ca ne t'a jamais pris plus longtemps. Je crois qu'on pourrait le faire deux fois et que tu serais encore en avance."
Grace et Roman sourirent.
"C'est une belle vie", dit-elle. Il la regarda, regarda le panneau, regarda le ballon qu'il tenait entre ses mains. Il le leva au-dessus de sa tête, le cuir effleurant le bout de ses doigts, et le projeta vers le panier.
Le ballon flotta dans l'air, ouis par magie, s'enflamma. Il brûlait et continuait de flotter.
Grace et Roman le contemplèrent, nullement surpris.
Et alors le ballon en flammes heurta le panneau, roula au bord du panier et tomba dedans. Grace s'avança vers son mari. Brûlant toujours, le ballon s'immobilisa sur le sol gelé. Roman s'avança vers sa femme.
Cérémonie.
La fin de Saint-Junior, une nouvelle de La vie aux trousses, de Sherman Alexie.
Distance
ton corps court
ton corps court
tu l'écoutes respirer
ton corps court
tu penses à elle
un troupeau de nuages
une baleine parmi eux
un cerf-volant
tes pas
tu dépasses la baleine
ton corps court
ton corps court
tu te demandes comment tu vas l'embrasser
merde ! il pleut
ton corps court
tu l'écoutes respirer
ton corps court
tu penses à elle
un troupeau de nuages
une baleine parmi eux
un cerf-volant
tes pas
tu dépasses la baleine
ton corps court
ton corps court
tu te demandes comment tu vas l'embrasser
merde ! il pleut
Inscription à :
Articles (Atom)