Valhalla Rising

Valhalla Rising, c'est l'histoire d'un guerrier qui se joint à un groupe de vikings convertis au catholicisme. Ils veulent défendre le royaume du Christ, mais au terme d'un long voyage, ils se retrouvent en Amérique du Nord.
A partir d'un scénario assez simple, Nicolas Winding Refn réalise un film âpre, onirique et très physique en même temps.



Le guerrier est retenu captif par des vikings qui le font combattre et parient sur lui. On ne le sort de sa cage que pour les combats.
Très vite, l'histoire prend un aspect hyper symbolique comme dans les récits de Jodorowsky. L'homme est traité comme un chien par ses semblables. Il n'a qu'un oeil. Seul un enfant entre dans sa cage et a un rapport humain avec lui.



La réalisation extrêmement soignée renforce cet aspect symbolique. Chaque plan est une photo qui s'étire, la bande-son aride contribue à la tension. Les décors sont rares : une vallée, une barque... On évolue sans cesse entre une extrême présence des personnages avec ces plans à ras la gueule et des plans qui suivent des nappes de brouillard, le mouvement des nuages...


  

Lors d'un trajet, le guerrier tue ses gardes. Le jeune garçon le suit. 
Le guerrier est borgne ( donc voyant ), mais aussi silencieux. L'enfant parlera pour lui. 

Ils recontrent quelques vikings convertis au christianisme qui partent en croisade pour Jérusalem. Des croyants qui ne voient rien, on s'en rendra compte plus tard. Comme souvent chez Jodorowsky ( je poursuis ), on trouve l'opposition entre la nouvelle et l'ancienne religion. Le guerrier n'appartient ni à l'une ni à l'autre. Il n'a pas la foi. Pourtant il sait, il voit. Grâce, à cause, de son oeil mort, de sa bouche fermée, de son extrême violence, de son lien avec l'enfant.




S'en suit un voyage en drakkar, une errance dans le brouillard pendant des jours. 





Ils finissent par aborder une terre. Prennent quelques flèches. Comprennent rapidement qu'ils ne sont pas au bon endroit.




Le film est divisé en 6 chapitres. L'absorbtion d'une étrange boisson les fait entrer dans L'enfer. On pense à Apocalypse Now.



Dernier chapitre : le sacrifice. Valhalla Rising, l'accession au Paradis Viking pour le guerrier valeureux.





Fin de l'expérience. Tu peux reprendre ton souffle.


A voir, en ce moment, Drive, du même réalisateur, plus accessible.

J'ai déserté les champs de bataille

Le défroqué

J’ai déserté les champs de bataille
Les nuits que je connaissais trop bien
Je ne fais plus dans la canaille
Je suis plutôt devenu du matin
Et pendant que je baille
Je repense à tous mes Verdun
A mes Chemins des Dames
A mes Trafalgar de rien
J’ai perdu le goût des représailles
Que mes victimes en soient témoins
J’ai dû sans le savoir combler des failles
Des précipices des crevasses des ravins
J’ai même perdu le goût des funérailles
Et des larmes au petit matin
Quand il fait froid et que tout déraille
J’aimerais tant tenir ta main
Je n’ai plus le cerveau en pagaille
Mon cœur est devenu lui aussi plus serein
Je ne supporte plus la mitraille
Même quand je l’entends de loin
Faudrait pas que quelqu’un braille
Sinon je ne réponds plus de rien
J’ai de la place pour des médailles

Tu sais je ne veux que ton bien
J’ai déserté les champs de bataille


Christophe Miossec

Diane Arbus











Exposition au Jeu de Paume du 18 octobre 2011 au 05 février 2012.

Une petite centaine de photos visibles à cette adresse : http://diane-arbus-photography.com

Le beau cou d'Hélène

On peut, en ce moment, écouter sur France Culture la lecture par Samy Frey de lettres de Louis Althusser à sa femme Hélène. Les lectures, correspondances ou non, sont à la mode. Ici, il ne s'agit pas véritablement d'une correspondance puisqu'on entend seulement les lettres d'Althusser, pas les réponses d'Hélène. On y sent beaucoup d'amour. De l'humour aussi dans la manière dont Althusser parle de lui-même ou décrit un détail du quotidien. Althusser, philosophe français, un des chefs de file du structuralisme avec le fameux Roland Barthes, apparaît un peu paumé. La voix grave et un peu traînante de Samy Frey incarne très bien le personnage.
Je crois que je commence enfin à vivre, Je veux que tu soit heureuse de moi, Je tiens par-dessus tout à toi...
1980, peu de temps après cette dernière phrase, Louis a, de ses deux mains, étranglé Hélène.

Je voudrais pas crever

Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un coté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plaît
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algues
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir

Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche

Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort...

Boris Vian

God a doG

Robert Wyatt

Peu de gens le savent déjà, mais Robert Wyatt est un dieu. La barbe le prouve. Un dieu totalement humain : pour avoir tenté de marcher sur la fine pellicule d'air qui prolongeait une fenêtre , Robert s'est écrasé un étage plus bas, ou deux, ou trois peu importe. L'air, de ce point de vue, est plus traître que la glace. Mais Robert n'est pas mort. Il est devenu un éclopé, un éclopé en fauteuil, un éclopé socialiste, un éclopé qui picole. Un vrai dieu païen. Et ce n'est pas rien !


Moondog

Autre dieu, vicking cette fois : Moondog. Le chien de la lune. Autre éclopé. Jeune, chien fou, il a ramassé un bâton de dynamite ou une grenade peu importe. Le fruit trop mûr lui a explosé au visage et l'a rendu aveugle.
Plus tard, il s'approprie un angle de rue à Manhattan, le Moondog's Corner : il joue sa musique, vend ses poèmes. Habillé en viking bien sûr.



Un morceau que j'aime beaucoup : Just as you are. Tiré du très bon album Comicopera. Il faut savoir être patient avec la musique du sieur Wyatt. On achète l'album et ensuite on l'apprivoise, à part peut-être Shleep, dont l'abord est plus immédiat. Comicopera est donc devenu, avec le temps, un très bon album.
Just as you are, chanson à deux voix, dialogue entre un homme et une femme. Ca parle de mensonges, de promesses qu'on ne tient pas et il y a ce refrain bouleversant : 

Cause i'm never going to change a thing about you,
never ever going to change a thing.
I'll try to love you, 
just as you are.

C'est beau, on a envie d'y croire.

 


Pour les Vikings, l'homme est l'égal de l'arbre. Et le chien celui de l'oiseau ? Moondog composa ce morceau en hommage à Charlie Parker. Bird's lament. La tristesse du chien qui a perdu son ami.





Un oiseau, un chien, un divin nez clopé. Quelle belle compagnie !
Mon histoire est finie, là-bas trotte une souris. Celui qui l'attrapera, un bonnet de fourrure se fera.