Voilà à peu près ce que je pense d'Alcatraz, la nouvelle série produite par J.J.Abrams. Auparavant, ce monsieur a créé et produit deux séries de SF à priori potables, Fringe et Lost, et il a aussi réalisé Mission Impossible 3, qui rentre haut la main dans la catégorie nanar-kougloff à gros budget. Donc, à mes yeux, un bilan assez moyen et surtout un style qui ne fait pas dans la dentelle.
Donc je me suis lancé dans/sur Alcatraz. Résumé ( je reprends les infos qui nous sont données dans le générique par une voix-off, un peu comme dans la SF des années 50-60) : le 21 mars 1963, la prison d'Alcatraz a été officiellement fermée et tous les prisonniers ont été transférés. Sauf que non, il faut toujours se méfier des versions officielles. En réalité, tous les prisonniers et leurs gardiens ont mystérieusement diparu et ils ressurgissent au compte-gouttes ( 1 par épisode, c'est plus pratique ) en 2012 à San Francisco.
A partir de là deux possibilités scénaristiques : soit on suit les prisonniers qui essayent de comprendre ce qui leur est arrivé et tentent de s'intégrer dans une société qui a beaucoup changé en 50 ans, soit on suit les gens qui vont essayer de retrouver ces prisonniers. Par exemple, une agence secrète menée par Hauser (sorte de Men in black constipé), une jeune flic et un scientifique, historien, fan de comics...
Bon, jusque là, rien de brilliant, mais pas non plus de quoi s'enfuir, si on aime un peu la SF. Alors pourquoi ça merde ?
D'abord, le rythme assez lent de la série qui alterne les scènes à l'époque actuelle et les flashback sur la vie des prisonniers en 1963. Ca pourrait être prenant, en fait je m'ennuie. Et je m'ennuie d'autant plus que les gros défauts ne tardent pas à pointer leur nez.
1 - Des personnages mal équilibrés, pas subtiles. Il y a Hauser, l'agent secret qui ne sourit jamais, ne répond jamais aux questions, engueule tout le monde, se déplace toujours avec la tête penchée façon torticolis et qui à chaque fin d'épisode ramène le prisonnier, mort ou vif, dans la nouvelle prison high-tech et top-secrète. Et il y a Soto, le gros ( enfant traumatisé par un enlèvement tu comprends ) qui vit dans un monde de comics et de jeux vidéos, mais qui est aussi scientifique et historien ( d'Alcatraz bien-sûr) et qui passe ses nuits à écouter les canaux de la police pour savoir si tel ou tel meurtre ne serait pas signé John, Kévin, Tartanpion ou Furax, échappé d'Alcatraz.
2 - Une fois le prisonnier repéré, Soto, Madsen et Hauser font leur enquête. Comme ils n'y arrivent pas, Madsen ou Soto sort les objets personnels du prisonnier de sa boîte ( une boîte par prisonnier ), les installe dans la cellule du prisonnier et réfléchit gravement. Et tchic-tchac, miracle du réfléchissement, ils trouvent le détail qui va leur permettre de comprendre comment fonctionne le prisonnier (ses obsessions, ses fantasmes, son être profond ) et d'anticiper sur ce qu'il va faire ensuite puis de le capturer.
3 - Il faut savoir qu'un gars enfermé à Alcatraz en 1960, c'est une bête. Donc quand il se retrouve en 2012 ( par un mystérieux trou temporel ), le gars n'a pas changé. Et comme les rats des expériences qui reproduisent encore et encore la même conduite, lui, il se remet illico à buter les honnêtes citoyens selon sa propre méthode, ce qui permet à Soto de trouver à coup sûr quel gars vient de réapparaître. Le kidnappeur d'enfants kidnappe, le braqueur braque, l'empoisonneur empoisonne, le vét de la guerre de Corée continue à faire joujou avec ses mines... Bref, tu es comme tu es, bon ou mauvais, et abandonne ici tout espoir de changer. De toute façon, le scénario ne veut pas que tu changes, mais simplement te refoutre au trou. Quand la SF passe à la moulinette d'Alcatraz, elle y perd des plumes. Adieu la critique sociale, adieu la possibilité pour un individu de se reconstruire, de revivre avec ses semblables, d'être multiple. Il y a les gentils d'un côté, les méchants de l'autre et les flics au milieu pour faire le tri.
4 - Et ce n'est pas fini. La cerise sur le gâteau, c'est la légitimation de la violence gratuite. Quand les méchants sont des vrais méchants, des êtres machiavéliques qui font le mal par plaisir, on peut nous aussi se lâcher sur eux une fois qu'on les a attrapés. Ainsi, à Alcatraz, les prisonniers sont torturés mentalement et physiquement. Et en 2012, Hauser ( l'agent secret ) bousille la main de celui qui a descendu sa copine, tire dans la jambe d'un autre, qui sourit parce que sa mine vient d'exploser au nez du démineur. Ensuite ils sont remis dans une taule secrète sans autre forme de procès.
Et vous savez quoi ? Et bien le démineur, il est noir. C'est le seul noir de la série pour l'instant ( épisode 6, je crois ). Il est grand, il est cool, grand sourire, c'est le pote de la flic, bref, un black quoi ! Bon, il est con aussi, il a choisi d'être démineur dans une série où les méchants ne pardonnent pas. Donc, à la fin de l'épisode, boum... Mais c'est pas sa faute, c'est parce que l'autre tordu de psychopathe s'est amusé à modifier le système d'allumage de sa mine pour la rendre indéminable. Une balle dans la jambe pour un taré comme ça, c'est pas cher payé !
Donc, Alcatraz, une série bête et méchante. Et bien réac.